Chère CRICRINETTE,
"Je vais déposer sur ton blog les souvenirs personnels de notre classe emblématique de 6ème, 1ère classe du cours complémentaire avec Melle LACOUME et M. BOURGON."
Je trouve que ce premier message a pris aujourd'hui de la bouteille et il me semble avoir été écrit il y a une éternité.
Que de chemin parcouru depuis! Combien d'élèves sont venus tirer la cloche du ceg-pasteur-montargis.com pour revisiter leur passé!
Certains nous sont inconnus mais d'autres font partie intégrante de nos souvenirs communs.
Bisous William et lis la suite ci-dessous:
The earth is a globe.
Le cours de mathématiques s’achevait. M. BOURGON s’assurait que chaque élève avait bien assimilé son exposé en posant ça et là quelques questions et en faisant un bref résumé sur le travail de son heure passée. Devant la tâche accomplie, il se frottait les mains en disant : " Bon, voilà " et jetait de brefs coups d’œil sous la verrière pour voir si Melle LACOUME n’était pas arrivée. Une chevelure brune apparaît. C’est notre maîtresse. Discrète, elle s’écarte de la fenêtre pour laisser le temps à M. BOURGON de terminer son cours. Il se rapproche de la porte, l’ouvre et l’invite à rentrer. " Bonjour Mademoiselle " lui dit-il d’un ton fort courtois et elle de répondre : " Bonjour Monsieur.... Ont-ils été sages ?" Elle pénètre dans la classe, esquisse un gentil sourire et lance son : " Bonjour les enfants ". Elle pose son sac sur le bureau, s’assied sur sa chaise, déballe ses cahiers, le temps nécessaire à M. BOURGON de regagner le fond de la classe et de s’éclipser par la petite porte, afin de reprendre ses lourdes fonctions de Directeur.
Le cours d’anglais pouvait commencer.
Souvenez-vous, " The earth is a globe ", tel était le titre de notre première leçon d’anglais avec Melle LACOUME, en Septembre 1959.
Nous découvrions l’apprentissage de la prononciation de l’article " The ", où il fallait, pour mener à bien cette dernière, caler l’extrémité de la langue entre les dents, selon les bonnes recommandations de notre maîtresse. On ne comptait plus durant les cours, les grimaces échangées en toute impunité, entre petits camarades. Nous étions tous des Jean LEBEBVRE en herbe qui, quelques années plus tard, dans le fameux film de Jean GIRAULT, "Le gendarme à New York" s’exerçait à sa prononciation en générant un tsunami de rires. Personne n’aura oublié aujourd’hui, ses essais infructueux et ses mimiques légendaires pour extirper de son gosier le fameux " the ". Chaque élève s’essayait avec sérieux et répétait derrière la maîtresse. Les plus doués touchaient au but après quelques essais (clin d’oeil à nos Bleus) et les autres se limitaient à un triste " ze " expulsé sans grand panache mais accompagné cependant d’une envolée remarquable de postillons.
La très réservée Christiane VIGNOLLES émettait un " the " charmant, tout juste audible, en pointant de sa bouche un minuscule bout de langue rose, semblable à celle d’un chaton.
Une autre élève, à la silhouette sportive et à la voix rauque poussait un " the " musclé qui s’apparentait plus à un rot qu’au " the " de velours, très british, prononcé par le couple d’anglais qui s’exprimait dans une diction parfaite, sur les disques que nous passait Melle LACOUME.
Les choses se compliquèrent quelques jours plus tard avec l’apprentissage de la prononciation du mot " street " et de la phrase " I go to the blackboard and I take a peace of tchalk " qui faisaient tant rire Jeannine NALINOT. Il est vrai que la sonorité de tchalk ressemblait plus à une onomatopée qu’à un nom commun. Pourquoi pas Plouf ou Splash ? Ou encore Crack, boum, hue comme le chantera quelques années plus tard le très désinvolte Jacques DUTRONC.
L’humoriste Jacques BODOIN et son Philibert s’étaient amusés par ailleurs avec "son blackboard " et avaient fait rire la France entière au tout début des années soixante.
Au fil des jours, nous parcourions notre bouquin d’anglais et nous découvrions la famille AUSTIN, le papa Peter, la maman et les deux enfants Margaret et Richard. Nous suivions leur parcours de vie quotidienne et nous nous enrichissions de grammaire et de vocabulaire anglais.
The BLED is not english, but french. Selon les souvenirs de Danièle DELAHAYE, ce précieux livre aurait volé à grande vitesse, tout comme le Concorde, au-dessus de nos têtes, malgré qu’il n’ait jamais eu d’ailes. Son envol soudain et inhabituel ne fut possible que par la réaction en chaîne de deux effets. L’un d’ordre psychique : l’aversion sévère de notre professeur pour l’usage de la formule malgré que, qui lui a provoqué une montée subite d’adrénaline et un second d’ordre purement physique : la libération brutale de l’énergie potentielle contenue dans le bras droit de Mme VASSORT accumulée de jour en jour, depuis l’assaut mémorable sur Joël LAURY. (Lire le commentaire n°6 déposé par Danièle DELAHAYE le 9-10-2007, article consacré à Mme VASSORT).
A l’approche des fêtes de fin d’année de 1959, une ambiance particulière s’installait dans la classe. Nous vivions la magie de Noël. Calés sur nos chaises, yeux écarquillés et oreilles grandes ouvertes, nous écoutions notre maîtresse. Elle nous faisait rêver en nous décrivant les traditions anglaises. Un bouquet de houx posé à l’angle de son bureau et une branche de gui accrochée au tableau, elle nous parlait avec mille détails, du Christmas day, du fameux Santa CLAUS et des merveilleuses Cartes de Noël. Certaines représentaient des cottages enneigés d’où perçaient des lueurs blafardes au travers de vitres givrées par le froid, d’autres des sapins illuminés, des bougies multicolores ou des cadeaux enrubannés.
Le soir du réveillon, les enfants joyeux suspendaient leurs Chaussettes de Noël au manteau de la cheminée ou au pied de leur lit pour récolter les friandises et les cadeaux à leur réveil.
Elle nous mettait l’eau à la bouche avec la recette du Pudding, ce gâteau que l’on mange à la fin du repas de Noël et qui est constitué d’un amalgame de fruits secs, de sucre et d’alcool, recouvert d’un glaçage blanc comme neige, épais de près d’un centimètre.
Melle LACOUME prenait un air amusé et ne pouvait s’empêcher de sourire en prononçant le mot Crackers, ces friandises typiquement anglaises qui claquent lorsque l’on tire sur les extrémités des papillotes, pour les découvrir et les savourer. Avec ses mains à hauteur du visage, elle nous mimait le geste de l’enfant qui ouvre des crackers. Son visage s’illuminait et son discret sourire en coin lui creusait une légère fossette sur la joue. Un matin, à notre grande surprise, elle sortit de son sac un paquet de ces bonbons magiques et en offrit à tous ses élèves. La trêve de Noël s’était installée pour quelques jours et nous connaissions de vrais moments de bonheur.
Notre professeur n’a pas manqué de nous rappeler également la solide tradition culinaire de Noël de cette île d’outre Manche : la Dinde farcie. Elle utilisait un langage semblable à celui du merveilleux écrivain Alphonse DAUDET qui nous contait dans " Les trois messes basses " les mésaventures du trop gourmand abbé dom BALAGUERE. Les entrées variées et appétissantes, la dinde farcie dans le four, avec sa peau tendue et craquante, les gâteaux d’où coulaient des rivières de chocolat. Pris de désir, l’eau nous venait à la bouche et comme le bon abbé, nous n’espérions qu’une seule chose, savourer au plus vite, les joies et les délices du réveillon. Pour vivre ces moments de pur bonheur, le pauvre abbé, possédé par l’envie irrésistible de déguster tous les plats préparés en cuisine, enivré par leurs odeurs alléchantes et excité par les descriptions croustillantes rapportées par son petit clerc GARRIGOU, célébrait ses messes dans une précipitation grandissante. Abandonné au démon de gourmandise, il bafouillait, sautait des versets et en perdait son latin pour expédier au plus tôt ses paroissiens et s’offrir le festin de roi tant désiré. Seulement il fut bien puni pour son péché de gourmandise. Pendant le repas, entouré d’une foule de seigneurs, il mourut d’une attaque sans avoir eu le temps de se repentir. Le souverain juge le condamna à célébrer trois cents messes de Noël, dans sa propre chapelle, avant de rejoindre le Paradis. En ce qui nous concerne, nous étions fort heureusement plus sages et plus raisonnables que lui. Nous apprenions nos leçons et faisions nos devoirs d’anglais avec beaucoup de sérieux et notre patience fut bien récompensée.
Et que serait l’approche des fêtes de Noël sans ses chansons. Chaque matin, Melle LACOUME nous apprenait la musique et les paroles d’une très belle ballade anglaise qui résonne encore dans nos mémoires :
" I saw three chips come sailing in on Chrismas day , on Christmas day "
" I saw three chips come sailing in on Christmas day, in the morming "
Quelques cinq décennies plus tard, lors d’une conversation téléphonique, Mme VASSORT et moi chantonnions encore cette belle ballade anglaise.
Comme quoi, le bonheur, c’est simple comme un coup de fil.
Pour connaître cette même joie, il vous suffit de composer son numéro de téléphone, de lui donner de vos nouvelles et d’entamer le début d’ "I saw three ships come sailing in".
Croyez-moi, il ne se passera pas cinq secondes avant qu’une voix étonnamment jeune, reprenne avec vous cette merveilleuse ballade.
Merci Mme VASSORT pour ce voyage magique dans les traditions de Noël d’outre Manche.
Nous n’avons rien oublié de ces instants et si une partie de notre grammaire et de notre vocabulaire anglais s’en est allée en chemin, sachez que le meilleur est resté et restera longtemps encore, calé au fond de nos sacs d’écoliers que nous serrons très fort contre nos cœurs. En cette fin d’année 1959, à la veille des vacances de Noël, nous nous séparions en nous souhaitant un : " I wish you a Merry Christmas and a Happy New Year ".
Aujourd’hui on ne recense plus tous les " Merry Christmas " et les " Happy New Year " qui se sont envolés avec les années, mais on compte désormais les jours qui nous séparent de nos retrouvailles.
A bientôt donc, Mme VASSORT et prenez bien soin de vous.
Mon oral d’anglais du BEPC au Lycée en forêt en Juillet 1964.
La grande salle de classe était vide. Seul, un professeur, assis devant une table, attendait. Il devait être dix heures du matin et le temps dehors était superbe. Il m’invite à m’asseoir devant lui et d’un ton inquisiteur me pose la question :
" When do you need shelter ? ".
Silence de ma part. La réponse tardant à venir, il se penche vers moi, me regarde droit dans les yeux et me reformule cette même question, sur un ton de plus en plus insistant et inquiétant :
" When – do - you – need - shelter ? ".
Et moi, dans un sursaut de lucidité, je passe aux aveux. D’un trait, je lui donne ma réponse :
" I need shelter when the weather is fine and when the sun shine in the sky."
" Good" me dit-il, et il passe à une autre question.
Après une pluie de brèves questions et de réponses parfois hésitantes, l’entrevue s’achève. A sa demande, je me lève et quitte la salle. Un autre élève, abasourdi, entre à son tour pour se soumettre à la question. Manifestement il ne semble guère rassuré. Je tire la porte et elle n’était pas sitôt fermée que j’entends au fond de la classe, cette même voix monocorde articuler une nouvelle et toujours aussi inquiétante question :
" When do you need umbrella?"............ "When – do – you – need - umbrella? "
Devant les marches, mes camarades me demandent comment s’est passé l’entretien avec l’examinateur. D’un ton détaché et gonflant la poitrine, je leur réponds : " Comme ci, comme ça, on a parlé de la pluie et du beau temps ".
Si le dérèglement climatique et la fonte de la banquise ne faisaient pas encore la une des journaux, on pouvait penser, à entendre les questions posées par notre professeur, que les caprices du temps ne manquaient pas déjà d’un certain intérêt dans les écoles. Beau temps ou pas beau temps, réchauffement ou pas, quoi qu’il en soit, je peux vous assurer que pour ma part, je me suis pris un sacré coup de chaud ce jour là et que la multitude de gouttes de sueur qui perlaient sur mon front n’avait rien à envier au nombre considérable d’icebergs dérivant aujourd’hui sur l’océan.
Je n’étais pas le seul dans ce cas là, à voir les mines décomposées de certains de mes camarades qui attendaient avec angoisse, de passer à leur tour, devant l’examinateur.
Pardon Mme VASSORT, Mme BRUNET et M. MARCANTONI si mon anglais présente quelques lacunes, mais par honnêteté, je n’ai pas voulu consulter le dico, pour vous offrir mon véritable savoir résiduel dans cette matière, après cinquante années passées.
CD:
Certains vont dire: encore des souvenirs des "plus vieux".
Mais franchement en lisant le message de William, et ses souvenirs de 6è (1959!!), j'étais vraiment dans la classe, et pour une fois, j'ai un souvenir commun: la musique et les paroles de cette chanson.
Je n'ai pas résisté au plaisir de vous faire partager ce récit.
Faites comme William: écrivez-moi pour raconter vos souvenirs de classe:
christianedaire@orange.fr